Constituer sa liste pour les élections municipales
Yvan Lubraneski
Vice-Président de l’AMRF chargé de la Démocratie et de la Communication

1000 façons de faire sa liste

Dans nos villages, chacun a sa méthode, plus ou moins transparente et plus ou moins politisée. Lorsqu’elle est constituée dans les dernières semaines par la seule volonté d’un leader, c’est bien dommage, car cela conduit à 3 phénomènes :

- un projet municipal bâclé

- une équipe dont on n’a pas vérifié les capacités et l’assiduité

- une faible représentativité de la population

Miser sur le temps long et l’interconnaissance

Vivre ensemble, c'est vivre avec tous. Ce qui peut écœurer en politique ne doit pas prendre le pas. On n'est rien de plus parce que l'on appartiendrait à tel ou tel parti politique. Le meilleur allié du collectif, ce n'est pas un parti politique, c'est le temps.

Pendant plusieurs mois de réflexion et de participation autour d'un projet, le temps va faire son œuvre, en cela qu'il va agréger des nouvelles personnes au groupe constitué, pendant que d'autres vont s'éliminer d'elles-mêmes, ayant ponctuellement participé par simple curiosité, ou ayant compris la difficulté de travailler ensemble et ne s'en sentant pas capables.

Tout le monde a sa place, ou presque…

Il va falloir cependant se méfier de deux types de personnalités.

La première, c'est celle qui dénigre, qui développe une attitude sectaire. Elle est repérable dans le groupe, parce qu'elle intervient essentiellement pour donner toujours les mêmes références, dont elle semble avoir la singulière propriété, les opposant aux capacités des autres, qui sont « nuls » ou qui n'ont rien compris. Cette personne prétendra ou laissera entendre que tout le monde n'a pas sa place autour de la table... Si vous parvenez à éliminer cette personne, le collectif passera peut-être par une crise, mais connaîtra ensuite un regain. La disparition du sectaire va parfois libérer la parole de ceux qui se taisaient en sa présence, et le groupe peut être rejoint par des personnes qui ne venaient pas à cause de cette même personne.

La seconde, c'est l'opportuniste, c'est celle qui, à quelques encâblures des élections, fait son apparition pour faire partie des candidats, voire pour mener le collectif déjà constitué. En principe, si le collectif a travaillé avec méthode, il ne se laissera pas atteindre et sera en tous cas en mesure de juger de l'intégration de cette nouvelle bonne volonté...

Le leadership et l'animation du collectif

Il ne faut pas passer sous silence la question du leadership. Il y a des animateurs, des catalyseurs, des facilitateurs, des chefs d'orchestre, des personnes capables d'organiser l'implication de chacun et leur donnant envie de donner le meilleur d'eux-mêmes. Ce type de personnalité est clé dans la mise en place d'un groupe qui va travailler sur un projet municipal, ce sera décisif également pour le bon déroulement du mandat.

Soit le leader fait partie des créateurs du groupe, ce qui est souvent le cas, soit il va peu à peu, avec le temps, s'imposer comme tel. Dans un cas comme dans l'autre, son autorité doit être consentie par le groupe et renforcée au cours des mois de travail et de réflexion.

Créer de l’intelligence collective

- se placer en cercle, pour se sentir les uns et les autres au même niveau

- apprendre à se connaître et chercher la parole et l'écoute de chacun, en faisant des tours de parole brefs, qui peuvent parfois simplement consister dans l'expression de ses émotions présentes à travers un ou deux mots

- susciter la participation de chacun en faisant passer le collectif par des postures communes (en adaptant par exemple la fameuse méthode des 6 chapeaux).

- les décisions se prennent collectivement, en cherchant le consentement, c'est à dire en demandant à chacun s'il a une objection, au sens ou le projet ou la décision ne lui permet pas de « vivre avec ». Si oui laquelle ? Le groupe peut-il l'aider à lever cette objection, et peut-il ensuite « vivre avec » ?

- célébrer les décisions importantes.

Les étapes clés de la constitution d’une liste avec cette méthode

Il n'y a pas de participation sans communication. Un élément essentiel ne doit pas être négligé et va demander pas mal de logistique : faire savoir. La diffusion de l'information sur la constitution du groupe et ses réunions et événements est capitale. C'est elle qui permet l'agrégation de nouveaux membres, et qui fait la démonstration d'un travail sur le long terme, contrairement à des aventures spontanées de veille d'élections.

1) Le plus tôt possible, inviter à la constitution du groupe et la première réunion.

C’est le moment de « caler » les aspects méthodologiques de la démarche, et se mettre collectivement d'accord sur les objectifs. Proposer par exemple à chacun de proposer sur trois « post-it » ses 3 priorités ou propositions pour le village, puis classer l’ensemble en créant une « mind map ».

2) Chaque mois, se réunir, publier les comptes-rendus, les diffuser dans toutes les boîtes à lettres. Les comptes-rendus abordent tous les sujets révélés par la première réunion, et nomme tous les participants présents ou absents.

3) Ces réunions plénières mensuelles sont à structurer par des propositions formulées par des petits groupes de travail à constituer rapidement. Ils vont enrichir la matière à traiter en réunion plénière et amener le collectif à trancher sur les sujets et développer les contours du projet municipal.

4) Créer un questionnaire habitants à partir des sujets retenus mais en ouvrant la possibilité aux habitants de les enrichir, de les compléter. Cette étape est intéressante pour effectuer un porte à porte qui permet de se présenter et de démontrer la capacité d’ouverture du groupe à de nouvelles propositions comme d’ailleurs à de nouvelles bonnes volontés qui pourraient le rejoindre.

5) La constitution de la liste. C’est la dernière étape avant la présentation du projet : le moment ultime pour capitaliser sur les compétences et les bonnes volontés testées pendant plusieurs semaines/mois. Mon conseil : le leader doit vérifier qu’il est bien naturellement ressenti comme tel par l’ensemble du groupe ; utiliser un « post-it » pour chacun et demander d’inscrire sur ce dernier « conseil municipal » ou « participation en dehors du conseil » pour connaître les volontés de chacun.

S’il y a moins de noms que de sièges à pourvoir, le leader aura à convaincre des membres du groupe à rejoindre la liste.

S’il y a plus de noms que de sièges à pourvoir, il lui faudra réinterroger la position de certaines personnes par des entretiens individuels.

Dans tous les cas, ces entretiens ont lieu pour que chacun se sente à l’aise avec sa place dans le dispositif humain.

La réunion suivante consistera à présenter la liste et que chacun explique son rôle et sa feuille de route… Bon courage !

En savoir plus

Bibliographie :

Ouvrage collectif : «Des Communes et des Citoyens, engagez-vous !» - éd. BOOKELIS

Christian PROUST : «Oser s’impliquer - T.1» - éd. Rue de l’échiquier